la vie professionnelle d'une assistante maternelle qui pose des questions et cherche des réponses
27 Mai 2012
En janvier, j'avais tout planifié pour la fin de contrat le 1er juin 2012 d'un joli petit gars
que tout le monde ici aime bien. pour moi c'était simple, clair, normal.
depuis une dizaine de jours j'ai des crampes au ventre, quand je le regarde, quand il me sourit, ou quand il me sort une de ses réflexions incroyables car il n'a pas 3 ans mais un sens de l'humour déconcertant.
- mais ça fait 3 fois que ze te le dis...
quand je le prend dans mes bras, quand je le couche dans son lit, quand je le change, j'ai commencé à décompter...sans bruit.
Le pire c'est que je pense à lui meme quand il n'est pas là, et j'en suis à me rendre à l'évidence, oui, mes yeux se remplissent bien de buée quand j'imagine son absence.
meme les autres parents m'ont dit qu'ils se demandent comment cela va se passer lorsqu'il ne sera plus là, car il prend un espace incroyable dans la tribu de chez nounou.
Je ne sais pas ce que je vais répondre quand les autres vont me demander 10 fois par jour où il est Paul.
Si... je le sais bien..., je vais dire qu'il est resté avec sa maman aujourd'hui, ...et demain ...et encore après.
Je lui ai déjà dit, je lui ai tout dit déjà, il sait tout.
Dans ma tete je me récite le déroulement de la journée de vendredi, et je le vois derrière la porte qui scrute globalement qui est déjà là, avec quels jouets la journée a commencé, ce que j'ai prévu sur la table pour notre activité encadrée... sa maman ou son papa qui lui demande de me saluer s'il est trop pressé de rentrer dans le jeu au point de ne pas me remarquer, j'entends ses premiers mots qui vont m'indiquer de suite s'il a passé une bonne nuit et si son humeur sera plus ou moins facile pour démarrer la matinée.
Je sais que je vais trouver un prétexte pour lui glisser un bisou et je vais sentir l'eau de toilette de celui de ses parents qui lui aura donné son dernier baiser, je vais le regarder bouger dans sa tenue impeccable et son petit corps fin et musclé de fils de sportifs.
Je vais sourire à sa maman mais je sais que vendredi elle ne partira pas aussi vite, et je sais qu'elle aussi va ressentir comme une sorte de nostalgie.
33 mois depuis le 1er jour de l 'adaptation, 33 périodes qui se sont déroulées comme 33 jours, 33 bulletins de salaire, mais que s' est-t-il donc passé, j'ai l'impression d'avoir tout oublié ? Je cherche des détails de quand il était tout bébé et je ne me souviens déjà plus, il faudrait que je ressorte les photos. juste à coté de moi justement je vois un magnet avec ses 1ères photos à la maternité... je ne l'ai pas enlevé depuis tout ce temps...il va falloir que je l'enlève maintenant...
J'attends vendredi, je vais lui donner son cadeau de fin de contrat et je vais le filmer pour montrer à ses parents comme ils me l'ont demandé, car ils savent et pensent qu'il va etre très content.
Je vais offrir le déjeuner à tous mes petits pensionnaires en son honneur, ses parents vont offrir le dessert.
Je ne veux pas trop en faire, il ne faut pas que les autres pensent qu'ils ne comptent pas, en meme temps je voudrais etre sure d'avoir fait suffisamment pour qu'il aie les meilleures ressources pour continuer à bien grandir.
je ne veux surtout pas lui donner la sensation de devoir me montrer un attachement
au contraire, je veux le libérer de moi, je veux lui donner de grandes ailes, je serais très peinée qu'il souffre du manque de nous.
Mais ce n'est pas si facile que ça. Je sais très bien que je vais pleurer alors que je ne le veux pas...j'entends son petit rire quand il demande à son papa de klaxonner au moment du départ et moi je joue à faire semblant d'avoir peur et il dit "ça fait du bruit, t'as vu nounou ?" alors je resursaute et tout le monde éclate de rire, alors la voiture démarre, mais moi là je pleure sur les touches de mon clavier, je dois manquer de vitamines, c'est pas possible.