la prison n'est pas pour les enfants

30.11.2010 | 17:54

«Papa est en prison… j’en parle pas à mes copines parce que j’ai peur qu’elles se moquent de moi. Maman pleure souvent et grand-maman dit que c’est la faute à papa. Est-ce qu’il dort sur un vrai lit? Est-ce qu’il a mangé? Est-ce qu’il a mal? Est-ce qu’il m’aime toujours?» Diane, 7 ans, grandit avec la douleur de la séparation et la peur d’être stigmatisée. Pour pallier cela, Carrefour-Prison est un acteur indispensable pour continuer à tisser ces liens indéfectibles, mais souvent fragiles, entre un parent incarcéré et son (ses) enfant(s).

800 000 enfants éloignés

«Selon Eurochips, ils sont 800 000 enfants (en Europe et Suisse comprise) concernés par cet éloignement particulier», lance Viviane Schekter, directrice de Carrefour Prison. Nous comprenons d’emblée qu’il ne s’agit pas d’un phénomène marginal. «Les enfants grandissent grâce à des «bonnes» séparations pour bien avancer dans la vie. Mais celle d’une détention d’un papa ou d’une maman est synonyme d’angoisse, d’abandon et de difficulté pour le développement. La prison provoque une rupture et beaucoup de souffrance.» La mission principale de Carrefour Prison? Justement de travailler à l’idée que cet éloignement ne rime pas avec cassure.

Pour ce faire, un accompagnement des minots est proposé. «D’accord, la prison n’est pas faite pour les enfants, admet la psychologue. Même si certains professionnels (monde judiciaire ou carcéral) jugent ce lien inadéquat, voire traumatisant, les parents détenus ont besoin de voir, de sentir, de toucher leurs enfants.» C’est un constat livré suite à ce minutieux travail mis en place: «Nous organisons des moments de rencontre avec les parents en détention, des activités ludiques, nous expliquons aux enfants la loi et évoquons la responsabilité de chacun pour enlever toute culpabilité, ajoute Viviane Schekter. Nous les accompagnons aussi dans leurs relations parentales lors des parloirs. Cela va du trajet à l’attente, à une présence durant la visite jusqu’au retour à la maison.» Des moments intenses auxquels il faut faire face, de part et d’autre. «Ce sont des rencontres, des partages, des moments de joie et de bonheur infinis, explique-t-elle. Parfois, c’est une totale découverte pour un papa qui n’a pas pu, ou eu l’occasion, d’exercer son rôle parental. Ils ne sont plus considérés comme des personnes délictueuses, mais comme des pères et des mères!» Autant d’instants précieux et parfois si simples «comme celui de faire une tartine pour son petit. Vous ne vous rendez pas compte combien ce geste est important!» raconte la spécialiste en psychologie légale.

Reconnaître la compétence parentale

Plusieurs projets sont en cours, comme celui d’améliorer encore les visites parents-enfants, fixées à 1 h par semaine ou par quinzaine, selon l’établissement pénitentiaire. «A Bois-Mermet, par exemple, la rencontre se prépare avec la famille, un agent de détention et un professionnel socio-éducatif. Nous proposons des activités en lien avec l’âge et les envies des enfants et des parents afin que ces derniers se sentent compétents et reconnus. Des photographies immortalisent ce temps partagé ensemble et un goûter très simple le clôture.» Autre programme envisagé au début de 2011, celui de Champ-Dollon où sera mise en place une visite d’une heure mensuelle durant laquelle l’enfant sera seul avec le parent en détention. On comprend toute l’importance du maintien du lien parents-enfants, d’ailleurs largement soutenu par des personnalités venues témoigner lors d’une journée de réflexion organisée par Carrefour Prison, le 28 octobre dernier. «Une évidence, malgré la surpopulation et les difficultés carcérales», pour Constantin Franziskakis, directeur de Champ-Dollon. Pour Jean Zermatten, ancien juge des mineurs et vice-président des droits de l’enfant de l’ONU, «la convention est claire, elle impose de mettre tout en œuvre pour conserver cette relation. Il faut tous s’y appliquer.»

Infos:
www.eurochips.org