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Le blog de nounoupascale.over-blog.com

la vie professionnelle d'une assistante maternelle qui pose des questions et cherche des réponses

respect pour Eliane

Après avoir élevé 45 enfants, l'Aubussonnaise Éliane Manoux a pris sa retraite d'assistante maternelle. Non sans avoir préparé ses deux derniers petits protégés.

Léa, quatre ans et demi, et Elouan, cinq ans et demi, n'avaient encore goûté qu'une seule fois aux saveurs de la cantine. Car tous les jours, ces petits élèves de l'école Jules-Sandeau, à Aubusson, allaient déjeuner chez leur assistante maternelle.

Ce lundi-là, Éliane Manoux rôtit un poulet, et attend l'arrivée des enfants pour réchauffer les petits pois-carottes. « Ils vont me demander pourquoi il n'y a pas de frites, c'est sûr, anticipe-t-elle avec bonne humeur. C'est vrai que je leur prépare souvent ce qu'ils aiment ».

Parce qu'elle se prénomme Éliane, les enfants ne l'appellent ni « tata » ni « nounou », mais « Yayane ». Et Yayane a fêté ses 60 ans le 31 janvier dernier. Tout doucement, elle a donc préparé ses demi-pensionnaires à l'idée qu'ils mangeraient bientôt à la cantine. Et elle s'est aussi préparée à l'idée qu'elle serait bientôt en retraite : « Ça me tracasse un peu. Déjà, quand je sais qu'un enfant va partir, je suis malade pendant quinze jours. Ça me serre la gorge et je me dis toujours qu'il ne faut pas pleurer devant les enfants... »

Au total, Éliane Manoux a élevé 45 bambins : « J'ai commencé à en garder en septembre 1977. Ma fille Marie-Laure avait 5 ans, elle a toujours été formidable. Ça lui a fait des copains et des copines pour jouer ».

Pendant 33 ans, le foyer des Manoux a résonné des pleurs des nourrissons de deux mois ou des rires des enfants de neuf ans. Certains ont fait leurs premiers pas dans le salon d'Éliane, d'autres ne voulaient pas quitter le tricycle de la véranda. Certains vivent toujours à Aubusson, d'autres sont partis loin. « Mais je les reconnais tous, s'émeut l'assistante maternelle, même Xavier qui a 38 ans et qui habite en Moselle ».

Au fil des années, Éliane a vu les enfants évoluer : « Ils sont plus éveillés maintenant, constate-t-elle. Moi au départ, je croyais que c'était une voiture, la DS ! » « Même si on n'est pas trop branché, on est obligé de suivre », sourit Rémy Manoux, dit « Mimi », dans l'embrasure de la porte.

En trois décennies, le statut de l'assistante maternelle aussi, a beaucoup changé : « J'ai été agréée dès le début, se souvient Éliane Manoux, et j'ai tout de suite eu trois enfants à garder : Xavier, Christophe et Sandrine. À l'époque, on n'était pas du tout reconnu, on se faisait des payes de rien du tout. L'été, quand on n'avait pas d'enfants à garder, on ne gagnait rien. Certains parents nous donnaient une prime de vacances, ou un poulet, ou une douzaine d'oeufs. C'était comme ça... »

Depuis une quinzaine d'années et la mensualisation des salaires, les assistantes maternelles ont changé de statut. Avec la formation devenue obligatoire, elles ont enfin obtenu la reconnaissance de leur savoir-faire.

Jusqu'au mois de juin dernier, Yayane gardait quatre enfants (« Simon, César, Elouan et Léa », se plaît-elle à énumérer). Mais elle a anticipé l'heure de la retraite : « J'ai de l'arthrose au genou et à l'épaule, et on ne peut pas travailler avec des rustines partout ». À contre coeur, Léa et Elouan se sont donc habitués aux repas de la cantine. Et là, ils ne bénéficient plus des bons petits plats et des attentions de leur Yayane.

Céline Colin

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